Tendances actuelles

Relancer les petites lignes ferroviaires pour assurer une mobilité pour tous

Benjamin Borloz

Benjamin Borloz

Business Unit Manager – Costan GP

Le maintien et développement du réseau ferré français reste un enjeu majeur de notre société. À la fois problématique sociale, économique, politique et environnementale, les plans de relancement des petites lignes ferroviaires pour desservir les zones rurales semblent pourtant faire du sur-place.

Réseau ferré national (RFN) : TGV et petites lignes, quel état des lieux ?

Avec ses 29 000 km de lignes exploitées en 2015, la France détient le deuxième réseau ferroviaire européen après l’Allemagne, et ce réseau est entretenu par SNCF Réseau. Le réseau français de lignes grandes vitesses (LGV), avec ses records de vitesse en TGV est le quatrième au monde (après la Chine, l’Espagne et le Japon). Mais là où nous peinons, c’est sur l’étendue de notre réseau ferré petites lignes. Alors que les besoins sont nombreux. Moins de 13 % de la population française est desservie par la grande vitesse (LGV). Et selon l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), 80 % des trains circulaient sur 27 % du réseau ferré en 2017.

Si les TER français circulent principalement autour des grandes agglomérations du pays, peu circulent dans le centre du pays.

SNCF Réseau

Mais avant les records et classements mondiaux, le sujet qui préoccupe experts comme particuliers depuis la parution du détonnant rapport Spinetta, ce sont les suppressions de gares et les multiplications de fermeture et déclassement de petites lignes en zone rurale. À l’époque, en 2018, l’ancien PDG d’Air France préconisait de réaliser un audit des petites lignes qui mobilisent alors “16 % des moyens consacrés au ferroviaire, mais qui voyaient passer moins de 10 % des trains et transportaient 2 % des voyageurs.” Le souhait de Jean-Cyril Spinetta ? “Recentrer le transport ferroviaire sur son domaine de pertinence : les transports du quotidien en zone urbaine et périurbaine et les dessertes à grande vitesse entre les principales métropoles françaises ». De quoi inquiéter les habitants des plus petites communes voyant leurs petites lignes menacées, car trop coûteuses comparé à un volume de trafic trop faible. D’autant plus quand on sait que -selon les estimations de la SNCF– 249 gares sont fréquentées par moins de 1 000 voyageurs par an et 81, par moins de 100 voyageurs. Pire encore, “le linéaire de voies affecté de ralentissements a quasiment doublé de 2009 à 2017 (de 1 500 à plus de 2 700 km)” comme cela fût rapporté dans un dossier de presse rédigé par le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires en 2020 sur les petites lignes ferroviaires. Soit un “phénomène appelé à s’accentuer dans les 10 ans qui viennent avec, à terme, près de 6 500 kilomètres susceptibles d’être concernés par de telles mesures, représentant les trois-quarts des lignes”. On parle alors d’un risque de fermeture pesant sur plus de 4 000 kilomètres, soit plus de 40 % du réseau.

L’importance du maillage interurbains par les petites lignes ferroviaires

Petites lignes, grands enjeux. Les transports collectifs structurent les territoires et assurent leur maillage interurbain. Des communes non desservies, et c’est le risque d’une fracture du territoire. Le réseau ferré français définit donc indéniablement le visage et le futur de nos zones rurales. La mobilité y occupe une place déterminante.

Qu’il s’agisse d’économie, d’écologie, d’égalité, d’emploi, d’accès à la culture et aux services de santé… Sans compter les jeunes ruraux qui choisissent parfois à contre cœur de déserter leurs campagnes une fois leur bac en poche, faute d’écoles accessibles en transport en commun. Alors face aux investissements sur les grandes lignes et agglomérations, beaucoup craignent d’être oubliés, car non desservis. Il s’agit alors de renforcer le lien entre les métropoles régionales et les zones rurales. Plus encore, l’ouverture ou la réouverture de petites lignes ici et là contribue à l’essor de nouvelles activités économiques. 

Mais ce maillage en pointillés nous confronte également à des questions relatives à l’écologie et à la sécurité. L’ouverture et le maintien des petites lignes désengorge en effet les villes et grands axes routiers où, selon la Délégation à la sécurité routière, surviennent plus de 70 % des accidents mortels…

Comment remettre à niveau notre réseau de petites lignes ?

Face aux risques de voir les territoires ruraux de la “France périphérique” davantage oubliés, plusieurs initiatives et plans d’action d’envergure ont vu le jour pour relancer les petites lignes de chemin de fer.

On peut par exemple mentionner la coopérative ferroviaire privée créée en 2019, Railcoop, qui parie sur la contre-programmation pour ouvrir des lignes transverses abandonnées et participer ainsi au report modal. La coopérative a reçu en septembre 2021 une licence d’entreprise ferroviaire lui permettant d’effectuer des services de transport de voyageurs, de transport de marchandises et de traction seule. Les sociétaires de Railcoop travaillent ainsi actuellement – et difficilement, il faut le dire – sur l’ouverture d’une liaison Bordeaux – Lyon via Périgueux, Limoges et Montluçon.

Citons également le développement par la SNCF d’une navette hybride rail-route baptisée Flexy. Cette dernière promet de redynamiser les petites lignes ferroviaires sur tout le territoire national dès 2026. Le concept :  entre le train et le bus, une navette roulant sur rail, 100 % électrique, qui prendra en charge jusqu’à 9 personnes. Des voyageurs en l’occurrence isolés dans les territoires ruraux souhaitant se rapprocher de leurs domiciles, de gares ferroviaires ou de lieux de vie et d’activité. La navette devrait atteindre une vitesse de 60 km/h sur les petites lignes ferroviaires aujourd’hui fermées.

Il faut également citer le plan de soutien aux petites lignes ferroviaires déployé par le Gouvernement, en collaboration avec SNCF Réseau et plusieurs régions volontaires. Des plans d’action par région ont ainsi été impulsés, ainsi qu’un programme train léger, le “Tech4Mobility”.  Sa visée ? Mettre en service des trains plus légers, donc, moins coûteux, et installer des éléments de voies et de signalisation plus sobres. Le tout, permettant de :

  • Baisser les coûts ;
  • Développer l’offre de transport en augmentant le nombre de trains ;
  • Attirer plus de voyageurs…

 

Plus globalement, l’ouverture à la concurrence permise par le nouveau Pacte ferroviaire, devrait permettre une véritable redynamisation de l’offre. Comme le précisait début 2020 dans un dossier de presse sur les petites lignes ferroviaires Jean-Baptiste Djebbari, alors secrétaire d’État chargé des Transports, la France fait également face à “de nouvelles possibilités grâce à la baisse des coûts de travaux et au recours à d’autres modes et solutions innovantes”.

Enfin, last but not least, la nomination d’Elisabeth Borne comme Première ministre peut laisser présager que le réseau ferroviaire français restera l’un des grands enjeux des années à venir. Pour rappel, nous devons l’adoption de la réforme ferroviaire en 2018 à l’ancienne ministre des Transports désormais cheffe du gouvernement.

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